Il reste d'une personne aimée et disparue une matière subtile, immatérielle, une absence que l'on peut ressentir comme une présence dont plus rien ne peut désormais ternir l'éclat.
Anne Pauly
Ma Tata,
18 février 2020.
Aujourd’hui, nous avons passé l’après-midi auprès de ma tante chérie d’amour. Ma tata. 81 ans. Tombée il y a une semaine dans sa résidence, elle est arrivée en ambulance à l’hôpital de Nivelles, la hanche gauche cassée. On l’a opérée et depuis, elle est à l’hôpital. Chambre 201.
Les journées sont rythmées par le déjeuner, tôt, après une nuit sur son fauteuil (elle ne veut pas aller dans son lit, la position allongée étant inconfortable), la toilette, la séance de kiné, le dîner, les visites (d’après les infirmières, elle en a beaucoup, rien qu’aujourd’hui, nous étions quatre à passer, Véronique, Pascal et moi, Jacques). Parfois, elle se souvient, parfois elle ne sait plus qui nous sommes et puis parfois, elle nous fait marcher. Elle a gardé son humour ma tata.
On a parlé de la vie, un peu. Elle disait qu’elle avait couru toute sa vie après le temps et que maintenant, il lui paraissait si long. Qu’une demi-heure semblait une éternité.
Il fallait pourtant rester encore quelques jours pour faire des tests supplémentaires, et essayer de comprendre pourquoi son hémoglobine chutait.
Tous espérions qu’elle pourrait sortir avant le week-end et nous la rassurions en ce sens.
Elle demandait comment on avait su qu’elle était là. On répondait Nana, Véro nous ont prévenus. Elle demandait où on habitait, ce qu’on faisait dans la vie. C’était ça ma tata. Malgré la maladie, elle était toujours tournée vers l’autre. Et elle était contente de nous voir.
Elle ne se plaignait pas, elle disait qu’elle n’avait pas mal, qu’elle mangeait et digerait bien, qu’elle avait de la chance. Que les infirmières étaient gentilles, qu’elle n’était pas difficile et qu’on le lui rendait bien du coup.
Elle parlait un peu de tante Bertha, chez qui elle avait vécu quand elle étudiait à Ciney, du passé, un tout petit peu. Je réalise aujourd’hui en écrivant ces quelques lignes qu’elle est un peu ma tante Bertha, la sœur de mon père chez qui j’ai aussi vécu quelques mois… Et elle se rappelle encore des casseroles de pâtes que je laissais trainer et dont le fromage collé sur les parois était si difficile à ravoir.
Elle a de l’appétit, même si elle mange moins qu’avant confie-t-elle. Elle est plutôt sucré que salé à priori et est assez viande…
J’ai pu lui dire que c’était un modèle pour moi dans la famille. Ses yeux se sont ouverts comme je ne les avais pas vu s’ouvrir depuis longtemps. Comme je ne les avais jamais vu s’ouvrir en fait. Je crois qu’elle était très émue par ma révélation. Et peut-être un peu fière aussi et elle avait raison de l’être. Une femme indépendante, intelligente, qui a été une des premières femmes à étudier les mathématiques à l’université, une femme qui a toujours été bienveillante et gentille, et une femme qui ne se laisse pas faire et qui sait ce qu’elle veut, ça ne peut qu’inspirer. Merci ma tata d’avoir été tout ça et un modèle pour moi.
On a parlé du printemps qui arrivait, elle a fredonné la chanson de Brel ‘Au printemps au printemps, Et mon Cœur et ton Cœur,…’
On a parlé de danser quand elle serait de retour à la résidence, plutôt des valses que du rock, elle aime danser, et de boire un verre pour fêter ça.
Elle a chanté ‘Ce soir je serai la plus belle pour aller danser… ‘
On a parlé de Dieu aussi, elle demandait si on pensait qu’il y avait quelque chose après… On a dit qu’on ne savait pas, que peut-être oui, notre énergie allait quelque part mais qu’on ne croyait pas au Dieu juge, à l’ enfer et au paradis. Et elle ? Elle disait qu’elle avait été élevée dans la religion mais qu’elle brossait la messe du matin, en se faufilant entre les plus grandes et qu’elle pensait qu’il y avait quelque chose oui…
Elle a dit aussi que ça passe vite une vie.
Puis on l’a embrassée, on a installé ses affaires sur la tablette devant elle, on a mis le volume de la TV presque au maximum, on lui a dit qu’on l’aimait et à bientôt.
Julie
Tu étais une belle personne, discrète certes mais profondément bienveillante, optimiste ,fidèle et mon coeur s’est élargi de notre amitié partagée.
Les nombreux chemins parcourus ensemble depuis les couloirs de l’Enfant Jésus enfarinée de craie , les sentiers du Roussillon et des Causses jusqu’au fin fond de l’Erythrée quand je te proposais « Par où allons-nous? » tu répondais invariablement « Je te suis. »
Et voilà que maintenant c’est toi qui passes devant, à travers l’horizon pour affronter la grande inconnue et désormais c’est à nous de te suivre.
Au revoir, Jeannine.
Jacqueline
Merci pour nous avoir informés du décès de votre maman Jeannine.
Nous tenons à vous présenter ainsi qu’à votre famille nos sincères condoléances.
Cela nous a beaucoup touchés car nos familles ont une longue histoire en commun, tant du côté de Monique que du côté de Jean ; avec Jeanine et avec Francis. Voici en bref :
La maman de Francis et le père de Jean étaient sur les mêmes bancs de médecine à l’université de Leuven au début des années 1930. Lors de l’évacuation en 1940, les parents de Francis ont séjourné brièvement à Courtrai, chez les parents de Jean, avant de fuir plus loin vers la France ou vers l’Angleterre. Puis ils se sont perdus de vue.
Mais une génération plus tard, Monique et Francis se retrouvent sur le même bus Cardona pour les humanités à l’Enfant-Jésus ou au collège des garçons à Nivelles.
Puis, par hasard, Jeannine et Monique se retrouvent dans la même pédagogie à la Blijde Inkomststraat à Leuven. L’année suivante, elles peuvent quitter la pédagogie et louer un studio d’étudiante ; ce qu’elles font toutes les deux ensembles à la Herbert Hooverplein. Jeannine avec une autre étudiante (Claudine Lafaille, la seule fille ingénieur) et Monique dans la librairie en face de Jeannine et Claudine.
Indépendamment, Francis et Jean sont sur les mêmes bancs en candidature, puis Jeannine et Jean en Licence-Math. Francis, tout le monde le connaissait, tellement il animait les auditoires. Monique et Jeannine, plus discrètes ont tissés des liens d’amitiés indéfectibles et elles ont décrit les futurs maris respectifs, l’une à l’autre.
Jeannine et Monique ont enseignés au Parnasse à Ixelles. Elles habitaient à Woluwé-Saint-Lambert à quelques rues l’une de l’autre. Aussi, c’est Monique qui gardait Françoise bébé, lorsque Jeannine donnait ses cours.
Plus tard, Francis et Jacques Baligant se sont retrouvés voisins à la rue Medaets. Nous restions toujours très proches et nous étions tous présents pour le soixantième anniversaire de Jeannine à la campagne.
Nous avons encore fait des excursions mémorables à Riga, dans le Péloponnèse et de Saint Pétersbourg à Moscou. Malheureusement, Monique n’a pu accompagner Jean à la résidence Jean de Nivelles.
Nous nous unissons à vous dans la tristesse et gardons aussi au fond du cœur tous les bons souvenirs que nous avons partagés.
Jeannine était une maman formidable qui va bien vous manquer. Mais tout l’amour dont elle vous a entouré ne s’effacera jamais.
Nous restons en union de pensées avec vous.
Jean et Monique Valembois-Basecqz
C’est avec tristesse que j’ai appris le décès de votre maman.
Je présente mes très sincères condoléances à toute la famille de Jeannine et je pense plus particulièrement à vous, ses enfants.
J’ai eu le plaisir de rencontrer deux d’entre vous au cours des mes activité professionnelles, Marie-Agnès et l’un de ses frères.
Mes souvenirs de votre maman sont ceux de nos études communes à Leuven où nous avions terminés en préparant notre Mémoire sous la direction du même Professeur.
Outre les cours, je garde aussi de votre maman le bon souvenir de nos repas de groupe très animés . Votre papa y participait aussi régulièrement. Il m’est toujours agréable de me souvenir de ces bons moments Depuis ces anciens temps, j’ai eu aussi le plaisir de revoir Jeannine qui m’avait rendu visite à l’Observatoire royal de Belgique. Elle était accompagnée de Marie-Agnès. Elle avait toujours le même sourire.
Vous pouvez tous être fiers de votre maman.
Paul Paquet
Compagne sur ma route, Jeannine l’a été pendant de longues années.
Nous avons partagé des journées de cours et de nombreuses réflexions sur la pédagogie à l’Enfant Jésus, des rencontres de tai chi , qi gong, méditation, des trajets bavards vers le jury central.. mais aussi des moments de rire et de grande complicité.
Jeannine était solaire et généreuse dans la vie.
Je suis de cœur et en pensée avec Véronique, Marie-Agnès et toute sa famille et amis, et je te dis merci Jeannine d’avoir été sur ma route.
Anne Mottart Leduc
Marie -Agnès,
Je te présente mes sentiments d’empathie avec la disparition « physique » de ta maman .
J’espère qu’elle a pu être accompagnée comme nous l’espérons tous.
Cette épreuve ,toujours douloureuse pour les proches, nous ramène inévitablement à nous -même car elle nous touche aux racines mêmes de notre vie et à nous
Interroger sur le « VRAI » sens de la vie !
Je souhaite à Jeanine d’aller sans peur vers LA LUMIÈRE que nous sommes de toute ÉTERNITÉ en de ça et au de là de ce corps qu’elle a habité .
Bien à vous ,partage de de coeur..
Brigitte